Etends tes pieds en proportion de ton tapis, 201
Tirage encapsulé contrecollé sur dibon*, balcon en bois peint, tapis persan ancien, 200 x 300 x 160 cm
*Photographie Jean-Christophe Lett
Réactivation de Etends tes pieds en proportion de ton tapis, 2009-2010
Vues de l’exposition La figure de l’étrange/et… en 2015 au Bild Galerie de l’école d’art de Digne-les-Bains, en partenariat avec le Fonds Régional d’Art Contemporain (FRAC) Provence-Alpes-Côte d’azur
Inspiré du proverbe arabe « Allonge tes pieds en proportion de ton tapis », le titre a ici double sens. Il pourrait se traduire par « contente-toi de ce que tu as ». C’est-à-dire « Fais fi de ton statut social, de ton emploi sans qualification, de tes conditions de vie, la grandeur de tes origines, la richesse de ta culture n’a d’autre égal ». Mais on peut imaginer qu’il s’agit aussi d’une phrase trop entendue sur un ton bien peu agréable…
Ici, l’œuvre est présentée comme un kit, un concept que l’on peut ré-agencer mentalement. On se situe dans un espace intermédiaire : un montage ou démontage d’exposition, un déménagement. Le tapis et le balcon nous mènent à la frontière entre espace privé et espace public.
Le chariot élévateur, l’outil du magasinier, supplante la traditionnelle table à manger. Son pouvoir évocateur est renforcé par sa fonction : élever, valoriser, montrer avec fierté. Il peut aussi exprimer un but à atteindre, privilégiant le paraître. Le balcon, même en béton armé, est un luxe pour l’habitat. Il sublime et soumis aux regards contrairement au tapis qui reste dans le domaine de l’intime. Le rang social se mesure à la beauté des kilims que l'on possède. Il permet de préserver la pérennité de l'identité tribale, des coutumes et des traditions.
C'est en Anatolie, carrefour entre l'Orient et l'Occident, que s'est développé l'art du kilim.
Sa principale fonction consiste à décorer le sol de la maison, de la tente ou de la yourte. On le retrouve aussi sous d’autres formes (coussins, de nappes, besaces, couvre-lits, tenture, étuis divers ou tapis de prière). Le tapis isole du sol, protège tout en exhibant.
Ici, les motifs évoquent un monde idéal, un monde où loups, biches, oiseaux vivent en harmonie, paisibles…
Embauchés pour des taches qui ne sont pas à la hauteur de leurs aptitudes, guidés par des promesses non tenues, ces émigrés qui constituent la majorité des locataires des cités HLM, qui occupent des tâches mal considérées, sont les proies des regards malveillants, les boucs émissaires de notre société. Stigmatisés, le repli communautaire semble être une solution face aux problèmes d’emploi et de misère. Ils revivent ensemble leurs coutumes, leur religion, leur passé et vont jusqu’à créer de l’emploi réservé à leur groupe. D’autres vont jusqu’à renier leurs origines ou leur religion. Difficile d’envisager l’avenir des générations à venir, ces « français entièrement à part » n’aspirent plus être « français à part entière ». |